La composition de cet ensemble dépendra de l’engagement des gouvernements des États qui soutiendront le projet. On peut esquisser une première liste : les six États fondateurs (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas, Belgique et Luxembourg) auxquels viendront se joindre l’Espagne et le Portugal, ainsi que l’Autriche et, le moment venu, la Pologne. Une participation de l’Irlande et de la Finlande est aussi envisageable. Soit douze Etats dans une première phase.
Les États membres d’Europa continueront à faire partie de l’Europe à 28, et participeront en tant que tels à ses activités et à ses débats. Les États d’Europa développeront leurs projets d’intégration, pour eux-mêmes, sans chercher à entraîner, comme ils l’ont fait dans le passé au sein des institutions européennes, leurs partenaires dans une intégration qu’ils refusent. Ces États continueront à participer individuellement aux débats de l’Europe à 28. L’intégration croissante de leurs économies les conduira sans doute à adopter des positions communes, sans que cela les prive de leur liberté politique.
L’harmonisation fiscale concernerait tous les impôts frappant les revenus et le patrimoine, à l’exclusion de la fiscalité régionale ou locale : l’impôt sur le revenu, la taxation de la valeur ajoutée, l’impôt sur les sociétés, l’impôt dit « de solidarité », et la fiscalité sur les successions. Le montant de l’impôt « national » à acquitter par les individus et par les entreprises sera exactement le même quel que soit le lieu où ils exercent leurs activités.
La réduction des écarts fiscaux débuterait dès la première année, pour être achevée dans un délai de quinze ans. Ainsi l’ensemble du dispositif serait mis en place pour 2030. L’unification fiscale sera la réalisation la plus ressentie, la mieux vécue, par la population d’Europa : la même monnaie, les mêmes impôts ! Une fois cette pratique mise en place, l’opinion n’acceptera plus qu’on revienne en arrière.
En vivant dans un espace de neutralité et d’égalité fiscale, comme dans tous les grands Etats, qu’ils soient fédéraux ou centralisés, les jeunes européens ressentiront le sentiment exaltant d’une liberté nouvelle pour entreprendre, créer, produire.
A terme, il conviendrait également d’harmoniser des règles sociales comme l’âge du départ à la retraite ou la durée hebdomadaire maximale du travail. En revanche, il ne nous apparaît pas souhaitable de fixer des règles communes pour les prélèvements sociaux qui font l’objet de négociations contractuelles, souvent au niveau de l’entreprise.
• La création d’un Trésor public commun
Une fois les équilibres des finances publiques et les besoins d’endettement rapprochés, il deviendra possible d’émettre des emprunts publics alimentant les besoins de ressources des États membres. Ce sera la mission du Trésor public d’Europa.
• Le principe d’une solidarité financière
Des transferts de ressources seront réalisés, non pas pour combler les déficits d’États imprudemment gérés mais pour tendre à créer une homogénéité croissante des conditions de vie sur le territoire d’Europa.
Le projet Europa est un acte politique neuf qui tend à inscrire l’Europe dans le futur de la compétition mondiale. En créant une fédération d’États-nations adaptée à notre nouvelle époque, il doit donner à l’Europe les moyens de rivaliser avec les plus grandes puissances du XXIe siècle.
• Création d’un Directoire
Prolongement de l’Euro-Conseil qui gère la zone euro de l’Union Européenne, le Directoire réunira les chefs d’État et de gouvernement des pays membres d’Europa. Il élira un président et un vice-président, l’un venant des grands pays, l’autre des pays moyens et petits. Le président se déchargera de sa responsabilité nationale pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois.
• Création d’un Congrès des peuples
La pratique démocratique étant le seul instrument qui fasse communiquer le peuple et le pouvoir, elle sera fortement présente dans le fonctionnement d’Europa. Il ne s’agira pas d’élaborer des solutions complexes mais de soumettre à la discussion et à la critique les actes du pouvoir. À cette fin, il conviendra de réunir un « Congrès des peuples d’Europa ».
Ce congrès sera composé pour un tiers des députés européens élus dans Europa et pour deux tiers de parlementaires nationaux. Pour que le peuple européen se considère comme partenaire du projet, il ne suffit pas en effet de le consulter, il faut l’associer. C’est pourquoi les Parlements nationaux devront être directement impliqués. Ils contribueront à faire émerger une « société politique européenne » qui fait cruellement défaut aujourd’hui.
Rien de ce qui précède n’exige la négociation d’un traité. Tout est de la compétence des gouvernements et peut être décidé par eux.
Ce projet n’est pas difficile à réaliser.
Avec Helmut Schmidt, si nous avions trente ans de moins, nous nous passionnerions pour le faire, parcourant ainsi d’un bout à l’autre la trajectoire qui aura mené l’Europe de la guerre à l’unité et à la prospérité, mais le temps passe, et le flambeau de cette chance repose désormais sur une génération plus jeune et plus innovante.
C’est à elle que nous confions le soin de réaliser Europa !